M.&V.

Il était une fois… Alzheimer

Projet en cours

En janvier 2024, je revois M., la grand-mère de ma marraine V. C’est une femme que j’ai connue lorsqu’elle vivait dans le sud de la France, avant d’être placée en EHPAD dans la capitale, à cause d’un Alzheimer diagnostiqué brutalement. V. va la voir toutes les semaines, plusieurs fois si elle le peut. Nous sommes très proches, je lui propose de venir avec elle. Je reconnais M., une femme toujours apprêtée, souriante et gracieuse. Nous nous baladons dans un parc, M. me demande où est-ce que je vis. Je lui réponds. Elle tourne la tête, semble regarder quelque chose au loin, pose à nouveau son regard sur moi : « Et où vivez-vous ? ». Elle me sourit. V. me regarde. Elle pose sa main sur l’épaule de sa grand-mère, qui avance sans attendre de réponse.

La personne atteinte d’Alzheimer glisse vers un espace en creux, là où l’identité devient floue, où les souvenirs se décrochent du présent. L’espace ouvert par la maladie est un territoire sans contour. Cet espace est un seuil, l’émergence d’un endroit paradoxal. Il peut être pensé comme un lieu liminal — ni tout à fait la mémoire, ni complètement l’oubli. Un espace en négatif, où ce qui disparaît laisse des traces : gestes rémanents, regards suspendus, fragments de discours.

La photographie, dans ce contexte, n’est pas un outil de restitution mais un dispositif d’attention. Elle ne prétend pas documenter la maladie mais de marcher au bord de cette fracture, d’habiter l’intervalle, de laisser apparaître ces traces. Le projet proposé ici est donc une tentative d’explorer cet espace de fracture non pas comme une perte pure, mais comme un champ de recherche sensible, où il est possible d’écouter autrement, de voir autrement et de créer dans un espace entre deux rives.